Cerema quel Avenir ? Une réorganisation à marche forcée

publié le 30 janvier 2020

Annoncée depuis plusieurs années déjà, la réorganisation du Cerema, appelé projet Cerem’Avenir, se déploie à marche forcée. La démission de l’ancien directeur général du Cerema en 2017, désavoué sur son projet de réforme impliquant la fermeture brutale de la direction territoriale Île-de-France, a été suivie par celle de son président, Pierre Jarlier, pour contester les coupes budgétaires subies depuis plusieurs années déjà par l’établissement.

La démarche Cerem’avenir a été lancée en septembre 2018, au travers de 11 chantiers de réflexion, des séminaires des cadres dirigeants, une enquête en ligne menée par l’IFOP à destination de l’ensemble des agents, etc. Sur le papier tout ceci semblait très bien, mais mais en réalité concertation et dialogue social ont été absents de cette réorganisation, peut-on tout au plus parler d’information et encore…
L’ensemble des agents est appelé à s‘abreuver telles quelles des belles paroles Cerem’Avenir et de les mettre en œuvre. L’enquête menée sous l’égide d’un institut de sondage a montré que les agents du Cerema étaient prêts, voire souhaitaient des changements. Toutefois, dans le même temps ils exprimaient d’une part, de sérieux doutes quant à la bonne orientation du projet de réorganisation qui leur était présenté et, d’autre part voulaient s’impliquer et être plus associés à la construction du projet d’évolution.

Au 31 mars prochain, le conseil d’administration doit procéder à la validation définitive de Cerem’Avenir. La réorganisation est menée à pas de charge et tout devrait s’accélérer encore en 2020. Des dispositifs d’accompagnement sont mis en place, à l’instar de ce qui est fait dans d’autres services de l’État, pour accompagner ces plans sociaux qui ne disent pas leur nom et qu’on cache sous le vocable réorganisation.

L’objectif cible affiché en termes d’ETP à horizon 2022 est un Cerema à 2400 agents contre un peu plus de 3000 présents en 2016 (perte de 20 % des effectifs en 5 ans). Chaque année la diminution des moyens tant humains que financiers se poursuit inexorablement. Aucune visibilité n’est donnée à l’établissement au-delà de 2022, de sorte que le démantèlement pierre par pierre du Cerema pourra se poursuivre et mettra à mal l’ingénierie publique qui est pourtant nécessaire pour accompagner la conception des politiques publiques, contribuer à leur évaluation pour en améliorer l’impact et accompagner leur mise en œuvre sur les territoires.
De plus, la création de l’agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) au 1er janvier 2020 vient fortement impacter l’activité et l’organisation du Cerema, sans qu’aujourd’hui les contours et le fonctionnement de cette agence ne soient clairement identifiés.

Un ancrage territorial fort affirmé dans les mots pour qualifier le Cerema, mais qu’en restera-t-il concrètement à l’issue de la mise en œuvre de la réorganisation prévue dans le cadre de la démarche Cerem’Avenir ? Une organisation par segment d’activité présentant un noyau dur dans chaque direction territoriale, également des polarisations, soit des concentrations de compétence au sein de directions, potentiellement source d’un développement du nombre de déplacements et des distances parcourues pour des agents qui sont déjà très mobiles pour couvrir un plus large territoire sur leur domaine d’intervention. Quelle ingénierie réelle pourra être mobilisée au profit des collectivités les moins bien dotées, souvent éloignées des pôles les plus structurants ?


Sur le quotidien des agents cette baisse de moyens se traduit par une pression accrue sur les chiffres de production, la recherche « d’argent frais » accentuée, la réponse à des appels d’offres, démarche chronophages et qui interroge dans sa mise en œuvre sur les questions de concurrence, le rôle de l’établissement et sa spécificité par rapport à des ingénieries privées.
Au-delà des conditions de travail au quotidien, les rémunérations à travers les primes ainsi que les promotions sont comprimées pour se fixer à un strict minimum, ce qui interroge sur l’attractivité à moyen et mais également à long terme du Cerema, pour attirer de nouvelles compétences, appelé de ses vœux dans un discours incantatoire du projet stratégique sans en connaître les leviers, et sa capacité à maintenir les compétences et les agents actuellement présents au sein de l’établissement.
Ces nouvelles orientations en matière de gestion des ressources humaines ne sont pas acceptables, le CEREMA veut réduire sa masse salariale en sacrifiant les personnels en place et en refusant de reconnaitre leurs compétences techniques qui font l’expertise reconnue de l’établissement.
Il est à parier que le recours massif aux agents contractuels bien moins rémunérés et largement promu par la loi de Transformation de la Fonction Publique va constituer une belle opportunité pour y contribuer.